Depuis que je suis tout petit, je contemple la Vie et je la compare avec ce que je suis. Je m’émerveille de la complexité de ce qui m’entoure et de son infinie variété dans le micro et le macro univers. Je contemplais simplement, sans nécessairement me poser de questions sur mon rôle. J’entreprenais des projets, sans me poser de questions sur l’utilité de ces entreprises car c’est mon essence d’entreprendre, de créer, de jouer à Dieu dans mes limites. Mais un jour un événement déclencha LE questionnement : pourquoi? Une question amorcée par la fin abrupte de l’aventure terrestre de Vincent Ryan Allard, broyé sous les roues d’un autobus de la ville de Sherbrooke un soir banal mais gelé de novembre. La glace, cette menace éphémère, eut raison de cet extraordinaire potentiel de chair et d’esprit que fut cet ami avec qui j’entreprenais. J’avais 19 ans, lui 20. Un ouragan introspectif m’assaillit avec force et balaya mes idées préconçues.
À cette époque, j’étudiais en sciences alors ma vision se teintait de pragmatisme froid. Les survivants trouvent peu de réconfort face aux injustices de la Vie avec des explications rationnelles.1 J’entrepris alors une sorte de quête, une réflexion active qui me mena hors de mon quotidien et m’apprit à Vivre. En voici le résumé.
À quoi sert l’existence? Pourquoi vivre? À quoi bon? À tout cela, je réponds maintenant « à s’accomplir ». Il faut s’épanouir, atteindre la cime de notre destinée. Cela n’implique pas nécessairement un succès à l’américaine, mais plutôt un succès de vie. Il y a en a qui réussissent dans la vie, d’autres réussissent leur vie. Il faut que sur le lit de notre mort, lors du Grand Décompte, que l’on puisse avoir une somme supérieure de jours heureux contre les jours malheureux. Et pour atteindre cet objectif, il faut travailler constamment à son épanouissement. Il faut trouver son axe de développement et s’y investir totalement. Car lorsqu’on pousse dans cet axe, le travail n’est pas une corvée, c’est un accomplissement.
Vivre est un luxe, une chance inouïe. Autant en profiter, faire fructifier cette opportunité potentiellement unique d’expérimenter la vie terrestre, en toute conscience et conséquence.
Mais pourquoi vous raconter cela? Bonne question. Un de mes axes de développement est de partager, je crois. Mais aussi, on me dit souvent que je vis une belle vie. Pourtant, j’ai mon lot de douleurs et d’épreuves comme tout un chacun. Je veux démontrer que c’est au travers l’effort que l’on s’accomplit. Et écrire ces lignes en est un. Je pourrais simplement garder cela pour moi, mais ce n’est pas assez. Une fois qu’on est dans le chemin de l’épanouissement personnel, je crois que la suite logique, c’est l’épanouissement collectif. Or, au travers mes efforts, j’ai construit ce lieu de diffusion et je le meublerai de réflexions et de projets inspirants, pour vous et moi, je l’espère. Première étape : vous partager ma vision de la vie, version brève.
1 Pourtant, c’est le rationnel qui me poussa à me remettre rapidement de cet événement. Pour l’anecdote, le jour de l’exposition du corps de mon ami, le hasard voulu que le thanatologue fut une personne à qui je donnai un « lift sur le pouce » quelques mois plus tôt. Il me fit part de sa tâche et la difficulté que représentait le dossier de mon pote, qui lui était arrivé plutôt mal en point. Il me dit que ça lui prit 4h au lieu de 45 minutes, qu’il dû mettre une boîte de carton pour simuler une cage thoracique, que la chair du visage était repliée comme un masque pour fin d’autopsie…bref…il me parlait de cela comme l’on parle des rénos d’une maison. Je l’écoutais sans éprouver de douleur particulière, étant bien conscient que l’ami ne souffrait pas de ces manipulations tout en étant vraiment intéressé par les aléas de ce métier inusuel. Puis, ultimement, le corps de l’ami qui se trouvait là, dans ce cercueil au bout de l’allée, n’était qu’une enveloppe de chair. L’entité connue et aimée, était maintenant dissoute dans le Tout. Donc, oui, le rationnel peut désensibiliser une forme de douleur, mais n’explique pas tout.